PORT-AU-PRINCE – Alors que la crise haïtienne semble s’enliser dans l’impasse et la violence, le Conseil National de la Société Civile Ayitienne (CNSCA), dirigé par son coordonnateur Joseph Domingue Orgella, lance un plaidoyer solennel en faveur du dialogue national et d’une refondation en profondeur de l’État-Nation. Un appel à la raison, nourri d’histoire, de philosophie et de littérature, pour tracer une voie vers la réconciliation.

UN IMPÉRATIF DE DIALOGUE

À contre-courant de la culture de confrontation qui paralyse le pays, le CNSCA utilise une métaphore parlante : tout comme dans un couple, les désaccords sont inévitables au sein d’une nation. Mais, souligne le Conseil, « la seule issue rationnelle et civilisée consiste en un dialogue et une réconciliation ». Une prise de position qui résonne fortement dans un contexte où la scène politique haïtienne reste marquée par le refus obstiné d’un véritable échange entre les différents acteurs.

LES FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE LA NATION

Pour étayer son propos, le CNSCA engage une réflexion sur les racines du vivre-ensemble. L’être humain, rappelle-t-il, est par nature un « animal grégaire ». C’est de la polis grecque — la cité — qu’est née la politique, conçue comme la gestion de la Res Publica, la chose publique, dans l’intérêt commun. Ce processus historique atteint son aboutissement avec la formation de l’État-Nation, étape jugée « décisive » et « d’une importance capitale » dans l’émergence d’une conscience collective. Le Conseil s’appuie sur des penseurs tels que Karl Marx et Maurice Duverger pour identifier les piliers fondamentaux d’une nation :

●Un sentiment d’appartenance partagé.

●Une volonté collective d’agir pour le bien commun.

●La primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers ou « mesquins ».

DE LA LUMIÈRE D’HAÏTI À L’OMBRE DU PRÉSENT

Dans un puissant retour aux idéaux de 1804, le CNSCA convoque Victor Hugo, qui écrivait à l’Haïtien Heurtelou : « Haïti est une lumière. C’est le flambeau du progrès tenu par la main d’un nègre. » Une vision inspirante, en contraste brutal avec la réalité actuelle du pays.Le Conseil interroge sans détour : « Du 1er janvier 1804 au 1er janvier 2025, Haïti est-elle devenue un État-Nation ? » La réponse est sans appel : après 221 ans d’indépendance, le pays reste englué dans une « manie d’irresponsabilité », préférant rejeter la faute sur autrui plutôt que d’affronter ses propres carences structurelles.

REFONDER POUR 2054

Face à ce constat, le CNSCA ne se contente pas d’un diagnostic sévère. Il trace une perspective ambitieuse : faire de la refondation de l’État-Nation haïtien un grand projet collectif d’ici 2054, date symbolique du 250e anniversaire de l’indépendance. Pour y parvenir, il plaide pour un « dialogue franc et sincère », fondé sur l’identification lucide des antagonismes, des classes sociales et des fractures d’appartenance qui divisent la société. Selon le Conseil, seule une élévation des consciences « au-dessus des intérêts mesquins » permettra de faire émerger la lueur de la paix. Ce processus de dialogue et de conciliation est, selon le CNSCA, la clé de voûte pour forger le sentiment d’unité nationale nécessaire à l’édification d’un véritable État-Nation. Un appel à la responsabilité historique, dans un pays en quête urgente de renaissance.

Fritz Gerald Hussein VALME