Un forum organisé à Delmas 83 rassemble experts et société civile autour des quatre piliers de la justice transitionnelle : Vérité, Réconciliation, Justice et Réparation.
Delmas, 8 août 2025 – Le Conseil National de la Société Civile Haïtienne (CNSCA) a tenu, ce vendredi, un forum consacré à la Justice Transitionnelle, désormais inscrite dans le droit haïtien. Organisé dans les locaux du CEDEC à Delmas 83, l’événement a réuni juristes, intellectuels et acteurs politiques autour d’un débat crucial pour l’avenir d’un pays plongé dans une crise multidimensionnelle.
« LA JUSTICE TRANSITIONNELLE N’EST PAS UNE VENGEANCE »
Dès l’ouverture, Joseph Domingue Orgella, Coordonateur du CNSCA, a précisé la portée de cette démarche : « C’est un mécanisme permettant à notre société de regarder son passé en face, de reconnaître les torts subis et de bâtir un avenir fondé sur la vérité, la justice et la réparation. »
Parmi les intervenants figuraient Me Jude Timogène, Me Anibal Coffis, Me Jean Bonald Fatal, le Père Jean Gardy Maisonneuve, Dr Ronald Laroche et l’ancien député Dr. Déus Deronneth.
Dans une interview accordée aux médias, Mr. Orgella a rappelé les quatre piliers de cette justice : Réconciliation, Vérité, Justice et Réparation. « Le plus difficile consiste à amener bourreaux et victimes à s’asseoir ensemble, à rassembler les preuves et à poser les questions essentielles : Pourquoi y a-t-il eu des bourreaux ? Qui se cachait derrière eux ? Comment réparer les préjudices ? », a-t-il expliqué.
TRANSITION POLITIQUE : VERS UNE NOUVELLE IMPASSE ?
La question de la gouvernance transitionnelle a occupé une bonne part des échanges. Interrogé sur l’avenir du Conseil Présidentiel de Transition (CPT),Mr. Orgella a plaidé pour « un dialogue franc et sincère » afin de définir une nouvelle gouvernance : « Nous devons vivre dans un pays digne, fier et souverain. »
Dr. Ronald Laroche, coordonateur éxecutif de la coalition » Main propres pour le dévloppement national « , a affirmé que son groupe attendrait la fin du processus en cours avant de se positionner : « Nous préparons l’avenir pour février 2026 », a-t-il déclaré, appelant à une coalition nationale contre les gangs. D’autre part il a aussi affirmé: « Il faut un contre-pouvoir fort, composé de la société civile, d’avocats et de l’université, pour contrôler l’exécutif et garantir des élections crédibles. »
L’ancien député Déus Deronneth a, lui, mis en garde contre le risque d’une transition prolongée : « L’accord du 3 avril n’a pas produit les résultats attendus. Les précédents coordonnateurs devaient régler l’insécurité et mener la réforme constitutionnelle. Laurent Saint-Cyr n’aura ni le temps ni les moyens d’organiser des élections… Nous risquons une nouvelle transition après février 2026. »
GANGS, TRAFICS ET RÉCONCILIATION : UN DÉFI COLOSSAL
Les intervenants ont souligné l’urgence d’appliquer la justice transitionnelle dans un pays où des responsables politiques et économiques sont accusés de trafic d’armes et où des enfants sont enrôlés dans des gangs. « On ne peut pas tous les tuer ou les juger, mais la réconciliation et la réparation sont indispensables », ont-ils insisté.
PROCHAINES ÉTAPES
En clôture, Joseph Domingue Orgella a annoncé la création d’une commission dédiée à la justice transitionnelle et l’organisation d’un colloque international les 16 et 17 octobre sur la réduction de la violence communautaire : « D’autres pays viendront partager leurs expériences. Aujourd’hui, nous avons posé un premier jalon, mais il faut que tout le peuple haïtien s’approprie ce projet. La réconciliation ne peut être superficielle. »
Alors qu’Haïti traverse l’une des pires crises de son histoire, ce forum aura au moins eu le mérite de lancer un débat sur une justice qui répare plutôt qu’elle ne divise. Reste à savoir si les acteurs politiques auront la volonté de le poursuivre.
Fritz Gerald Hussein VALME



